La vente d’aquarelle artisanale s’est beaucoup développée ces derniers mois. Il faut dire que l’influence positive de petites marques comme le Pigmentarium, les Couleurs VF, ou plus récemment Marie Jen Atelier, a sans doute contribué à créer des vocations. Fabriquer soi-même sa peinture avec des pigments, les mettre en godet et les proposer sur Etsy ou une boutique en ligne, c’est un beau projet qui fait envie ! J’en parle en connaissance de cause, j’ai succombé l’an passé à cette folie de la fabrication maison d’aquarelle ! Ma première collection est toujours en vente sur ma boutique en ligne, et la prochaine sortira sans doute cet l’été.
J’ai donc décidé de partager ici mon retour d’expérience, suite à ma propre démarche de passionnée. Cet article se veut informatif autant pour une fabrication en petite quantité pour son usage personnel, autant que pour faire ses premiers pas avant d’envisager une commercialisation. C’est parti !
L’aquarelle artisanale, c’est quoi ?
D’après le Larousse, la définition de l’aquarelle, c’est une « peinture délayée à l’eau, légère, transparente, appliquée le plus souvent sur du papier blanc ». C’est intéressant, mais ça ne nous apprend pas grand chose sur sa composition ! Sur Wikipedia, on lit cela : « L’aquarelle est une peinture dans laquelle la gomme arabique lie des pigments transparents laissant apparaître le support de peinture. » Nous y voilà ! L’aquarelle, c’est un médium constitué entre autres de pigments et de gomme arabique. Ces deux-là sont au coeur de sa fabrication et lui donnent ses propriétés.
Et contrairement à l’aquarelle « industrielle » fabriquée en série par des machines, la version artisanale est obtenue pour un broyage des pigments et leur mélange avec les autres ingrédients à la main. C’est fatiguant et c’est long, mais c’est fait avec amour !
Comment en suis-je arrivée à fabriquer de l’aquarelle ?
J’aurais pu commencer par là, car après tout, sans cela, je ne serais pas en train de vous écrire ! Après avoir craqué pour plusieurs teintes des Couleurs VF et un coffret d’Aquarelle de Provence, j’ai vraiment eu envie de m’y pencher à mon tour. Mais pas question de faire ça n’importe comment. J’ai donc suivi le cours Préparation d’aquarelles artisanales, de Scriptorium Yayyan, sur Domestika. Sans ce cours, je ne me serais jamais lancée dans ce projet : j’avais besoin d’apprendre les bases, tant sur les ingrédients que le matériel ou la gestuelle. Soyons clairs : il n’y a pas de place pour l’improvisation totale, la fabrication d’aquarelle se fait un minimum dans les règles de l’art !
Une fois le cours suivi avec une extrême concentration, j’ai pu reproduire, puis adapter les enseignements pour fabriquer mes propres aquarelles maison. J’ai bien sûr complété cela de recherches interminables sur le net et d’ouvrages empruntés à la bibliothèque.
Voilà pour la petite histoire.
>> A lire aussi : Aquarelle : retour sur les cours en ligne que j’ai suivis
La composition de la peinture aquarelle
Si certains ingrédients sont indispensables à la fabrication d’aquarelle artisanale, comme les pigments et la gomme arabique, les autres varient d’un fabricant à l’autre. A chacun sa recette, conservée jalousement. Vais-je vous dévoiler la mienne ? Non… Pas tant qu’elle soit incroyable et que j’y tienne comme à la prunelle de mes yeux, mais plutôt pour respecter l’idée que deux choses caractérisent un fabricant d’aquarelle : sa recette et son fournisseur de pigments. Le résultat est le fruit d’essais, de ratés, de réussites, et d’une sensibilité propre à chacun.
En revanche, à défaut des mesures exactes, je partagerai volontiers la manière dont je l’ai élaborée et les ingrédients que j’utilise. C’est déjà pas mal, non ? 🙂
Quelle recette d’aquarelle maison pour débuter ?
J’ai fabriqué mes premiers godets en suivant la recette de Scriptorium Yayyan. Elle est très bien pour se lancer, malgré quelques imprécisions qu’on mettra sur le compte du secret de fabrication du professeur. Néanmoins, elle a un gros défaut à mes yeux : parmi ses ingrédients, on trouve des oeufs. Enfin, du blanc d’oeuf plutôt. Je ne suis pas dans une démarche de fabriquer de l’aquarelle vegan, donc la provenance animale ne me gêne pas. En revanche, pour une question de coût et d’usage, ça me semblait particulièrement peu adapté à une fabrication en vue d’une commercialisation. Je n’en ai donc utilisé qu’une seule fois, le temps d’appréhender la recette et le processus de création.
J’ai ensuite ajusté pour concevoir une recette qui me convenait mieux.
Je vous conseille de faire des recherches sur le net, on trouve des recettes et des conseils qui peuvent vous servir de base :
- La vidéo de Jane dans la jungle
- L’interview de Manon du Pigmentarium
- Les recettes de Studio d’Art Shuffle et de Ocres de France
Ma sélection d’ingrédients pour fabriquer de l’aquarelle artisanale
A défaut de recette exacte, je vous ai promis la liste des ingrédients que j’utilise. La voici :
- des pigments
- de l’eau déminéralisée
- de la gomme arabique
- du bon miel
- de l’huile essentielle de clou de girofle (c’est un conservateur naturel)
- de la glycérine
La grande question des pigments
Où acheter des pigments pour fabriquer de l’aquarelle ? C’est la question que tout le monde se pose. Sans dévoiler toutes mes pistes, je vais quand même vous en donner deux/trois…
Quand j’ai débuté, j’ai passé une commande sur le site du Broyeur de Couleurs. J’en reparlerai plus bas, mais je l’ai choisi parce qu’il avait l’air sérieux, et surtout, parce qu’il proposait de petites quantités de pigments. Pour appréhender les choses, c’est une bonne solution, plus accessible. En revanche, pour une fabrication en série, c’est moins judicieux. Mais on parle bien de débuter dans cet article ! En tous cas, les pigments sont top, et avec un large choix, pour tous les prix (plus un pigment est rare, plus il est cher, cqfd). Et Thierry, le broyeur de couleurs, en plus d’être passionné par son métier, a la gentillesse de répondre aux questions par mail…
J’ai également acheté chez Cultura des pots de pigments Sennelier. Le + : ce sont des pots de bonne contenance, avec pas mal de choix de couleurs, et pour un prix plutôt intéressant. Le –, j’y reviendrai dans un autre article, c’est qu’on ne mélange pas des pigments comme on mélange des couleurs… Et du coup, j’ai été assez déçue par mes achats, ne pouvant pas les utiliser comme je le voulais (mais ça, c’est ma faute de novice). Mais vraiment, c’est un sujet qui mérite que j’y revienne une autre fois. Retenez juste pour le moment que c’est un bon produit, mais que vous aurez besoin de plus d’infos pour les utiliser pour faire des mélanges… En revanche, si vous voulez fabriquer une couleur Sennelier avec un seul pigment, ça marche.
Voici une liste de vendeurs de pigments que j’ai recensés. Je ne les ai pas tous testés, loin de là, mais vous y trouverez sans doute votre bonheur, grâce à leurs catalogues très variés :
- Ocres de France
- Color rare
- Le moulin à couleurs
- Comptoir des pigments
- Couleur Pigments
- Okhra (écomusée de l’ocre)
- Etsy (avec un peu de recherche, vous trouvez des petits vendeurs de pigments)
Le matériel pour fabriquer de l’aquarelle artisanale
Pour fabriquer de la peinture, il faut être bien équipé ! Les ingrédients, c’est une chose, mais le poste de travail et les outils, c’en est une autre. Et pas des moindres ! Mais comment trouver le bon matériel pour démarrer, sans vider son compte en banque ? Là dessus, vous pouvez me faire confiance, j’ai toujours en tête l’aspect budgétaire quand je me lance dans une nouvelle lubie créative. J’ai beaucoup cogité et cherché avant de trouver ce qu’il me fallait !
La plaque pour broyer
La plaque, qui sert de support lors du broyage des pigments, puis leur mélange, est indispensable pour la fabrication. Elle doit être ultra lisse, et solide. En effet, il serait dangereux de l’exploser à cause d’un broyage un peu trop enthousiaste…
Pour ma part, j’ai commencé avec ce que j’avais sous la main. J’ai cherché chez moi ce qui pourrait convenir, et j’ai trouvé un petit miroir rond, avec des patins en dessous (je me demande de ce fait à quoi il servait vraiment, et je doute que la réponse soit : « à fabriquer de l’aquarelle »). N’empêche, ça m’a bien dépannée au début !
Ensuite, j’ai passé du temps pour trouver une meilleure alternative. Voici ce qui avait alors retenu mon attention :
- un grand plateau en verre, comme le Besta d’Ikea
- une plaque de verre épaisse, spécialement conçue pour le broyage des pigments (top, mais cher, 89,95€ chez Boesner)
- une plaque de marbre
- un miroir
Suite à ces recherches, j’ai d’abord acheté en ligne un plateau de service en marbre chez H&M. Il me semblait épais et lisse. Et à 25 € environ, ça restait raisonnable : au pire, il aurait servi de fond pour mes photos Instagram… 🙄 Dans la réalité, j’ai vite déchanté. Le produit était parfait MAIS : il est arrivé brisé en deux à la livraison. Et ce n’était même pas la faute du livreur, car le plateau était déjà cassé à sa sortie d’usine. Je me suis fait rembourser, sans problème, mais ça ne m’a pas donné envie d’en commander un autre.
Après cette mésaventure, je me suis lancée en quête d’un miroir assez épais, en cherchant dans les magasins près de chez moi. Je savais ce que je voulais, à savoir un rectangle de bonne taille, comme ceux qu’on met dans les salles de bains. J’ai trouvé mon bonheur par hasard dans une boutique Gitem de centre-ville. Le miroir (environ 36 x 48 cm) coûtait 17 euros, mais comme ils ignoraient qu’ils en avaient en boutique avant que je ne leur pose la question, ils me l’ont fait à -50% (true story…). Et il est parfait !
Je l’ai installé sur un anti-dérapant à tapis, afin qu’il reste en place pendant le broyage. C’est une solution qui me convient à merveille.
La molette à broyer
Après le support, la molette à broyer est un incontournable de la fabrication artisanale d’aquarelle. J’ai mis du temps avant de trouver le nom de cet objet. A première vue, ça ressemble à un mortier en verre, dont le dessous serait plat. Et bien, ça s’appelle une mollette à broyer. Là encore, ça n’a pas été évident à trouver, avec un objectif de bon rapport qualité/prix. Et surtout, ça a été difficile à trouver tout court, les vendeurs étant rares…
J’ai trouvé la mienne, la première, chez le Broyeur de Couleurs. Deux éléments m’ont convaincue de l’acheter là-bas, même si c’était assez onéreux (le petit modèle que j’ai acheté coûte 16,95€). Mais comme il y avait d’autres choses qui m’intéressaient dans cette boutique en ligne (dont les pigments, comme évoqué plus haut), ça restait intéressant de grouper mes achats.
Donc, cette petite molette à broyer, elle est vraiment bien pour débuter. Elle est minuscule, adorable, et avec mes petites mains, je n’ai pas de soucis à la manipuler. Elle présente également l’avantage de ne pas prendre de place et se range dans sa boîte. Il existe d’autres modèles sur le site, plus grands, qui ont tous été fabriqués « à la main ». La chose à savoir, c’est qu’avec son diamètre réduit, elle ne permet pas de produire de grosses quantités. Mais comme j’ai commencé avec un petit miroir et de petites doses de pigments, ça ne me posait aucun problème. C’est un bon investissement quand on veut produire pour soi quelques godets par ci, par là. Et ne pas s’encombrer !
Un peu plus tard, j’ai commandé une autre molette, plus grande sur Aliexpress. Je l’ai payée 17 euros et des poussières, livraison inclue. Que dire de plus, hormis qu’elle fait la même chose ? Grâce à son gabarit plus élancé, elle permet juste de produire de plus grandes quantités d’aquarelle artisanale. La photo est parlante, non ?
Pour vos recherches, vous pouvez taper molette à broyer, mais aussi glass pestle (pilon en verre) et muller.
Les godets
J’utilise des demi-godets (1ml), que j’achète en lot pour baisser les coûts. Pour vous donner un ordre d’idées :
- Aquarelle & Pinceaux : 10 demi-godets pour 6,11€
- Le Géant des Beaux Arts : 10 demi-godets pour 8,45€
- Le Broyeur de couleurs : 6 demi-godets pour 2€, 12 pour 3,90 et 24 pour 7,50€
- Amazon : 100 demi-godets pour 15,79€
- Aliexpress : 100 de mi-godets pour 5,60€
Après, c’est aussi une question de rapidité de livraison… Là où c’est moins cher, c’est plus long !
Les spatules
Les spatules, qu’on appelle aussi couteaux à peindre, permettent de mélanger les pigments avant broyage, mais également de racler la molette et le support pour ne pas perdre une goutte de la précieuse peinture artisanale. J’en ai acheté trois :
- le couteau à peindre n°5 Monali, 2,19€ chez Cultura
- le lot de 5 couteaux en plastique Monali, 1,99€ chez Cultura
- une spatule pour peinture, 2,22€ chez Sostrene Grene
Je déconseille les couteaux en plastique, ça n’est pas du tout efficace dans ce cas. Ma préférence va de loin au n°5 de Monali. Celui de Sostrene Grene est assez similaire, si ce n’est que la lame est plus longue, mais le Monali est plus agréable à manipuler.
Les contenants
Vous aurez besoin de contenants pour :
- préparer la gomme arabique (je l’achète en poudre et je la fais fondre 48h dans de l’eau) : j’utilise des bocaux à confiture propre.
- stocker le liant (fabriqué avec de la gomme arabique, du miel et de l’eau (et tout autre ingrédient mystère) : un autre pot en verre.
Ensuite, pour manipuler facilement le liant que j’ai fabriqué, j’utilise des petits flacons trouvé au rayon peinture chez Sostrene Grene. Cela me permet de bien doser mes quantités et de stocker au fur et à mesure au frais.
Les pipettes
Pour bien doser la glycérine par exemple, les pipettes sont très utiles. C’est peut-être le plus simple à trouver ! J’en ai achetées 3 petites chez le Broyeur de Couleurs au départ, puis des plus grandes sur Aliexpress. Elles sont soit-disant jetables, mais je les réutilise après un bon lavage. Et ça me sert aussi à humidifier mes palettes d’aquarelle avant usage. Plus pratique éventuellement à trouver, il y a un lot de 5 pipettes à peinture Créalia chez Cultura.
Les cuillères-doseuses
Les cuillères doseuses, c’est nécessaire pour travailler avec rigueur et précision. J’en ai plusieurs tailles, selon la quantité de peinture que je veux produire : une toute petite de 1g et d’autres plus grandes.
Le carnet
Cela n’a l’air de rien, mais vous aurez besoin d’un carnet pour noter TOUS vos essais, que ce soit la recette du liant ou les mélanges de couleurs. Sans cela, vous serez incapable de les produire à nouveau… Et soyez précis, sinon… c’est le drame !
Les protections
Impossible de parler de fabrication d’aquarelle artisanale sans évoquer la question de la sécurité ! Les pigments ne sont pas tous des petites poudres inoffensives qu’on peut manipuler n’importe comment. Certains pigments sont toxiques, et d’autres non, mais mieux vaut respecter quelques bonnes pratiques pour tous. Pour ma part, je :
- porte des gants en latex (achetés en pharmacie)
- m’attache systématiquement les cheveux
- porte un masque FFP2
- aère après
- ne fabrique jamais d’aquarelle quand les enfants sont à la maison, ou à minima, dans la même pièce
Là dessus, soyez vigilants et responsables ! Lisez bien les propriétés des pigments que vous utilisez…
Un spray à eau
Dernier accessoire que j’utilise : un petit spray pour vaporiser de l’eau sur ma plaque pour la nettoyer ou tester au fur et à mesure ma couleur.
Voilà, vous savez tout, niveau matériel pour débuter votre fabrication d’aquarelle artisanale ! Si vous êtes motivé à vous lancer, mon conseil est de suivre le cours Domestika, qui montre bien le principe de fabrication et la gestuelle à adopter. Ensuite, pour le matériel, faites simple pour vos premiers godets, et si ça vous plaît, investissez petit à petit sur du matériel de plus grand format et des pigments en plus grande quantité. Quant à la recette de votre aquarelle maison, testez, testez, testez ! Et amusez-vous !
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Merci pour ces informations détaillées et précieuses!
Bonjour, merci beaucoup pour ce super article très clair ! J’ai déjà fait mes premiers essais avec des morceaux de tuiles et de roches trouvées sur mon chemin, mais j’aimerais bien me lancer avec pigments industriels. Je me pose une question sur la quantité de pigment nécessaire pour remplir, par exemple, un demi-godet ?
Ou plutot, avec un pot de pigment de 100gr, combien de demi-godets peut-on remplir ?
Bonne journée,
Simone
Bonjour,
Je me lance enfin dans l’aquarelle et dans la fabrication de mes couleurs (du pigment au godet) dans un but purement ludique.
Je me posais une question, qui est peut-être bête : peut-on conserver dans autre chose que des godets en plastique ? Je pensais utiliser des capsules de café en alu mais peut-être que cela cause une oxydation ?
Merci de m’éclairer à l’occasion !
Christine
Bonjour,
C’est une excellente question, et je n’ai pas de certitudes sur la réponse ! J’ai déjà vu des contenants en céramique, en bois, et j’ai même un vague souvenir dans des capsules de bière ! L’important, c’est effectivement que ça ne réagisse pas avec la surface du godet. Théoriquement, l’eau s’évapore de l’aquarelle artisanale en séchant. Mais il y en aura de nouveau à chaque fois qu’on voudra peindre… Cela pourrait faire mauvais ménage :/
Après, pourquoi ne pas essayer une petite quantité sur une capsule, pour voir ? C’est toujours bien d’expérimenter, pour le plaisir !
Bonjour
J’ai adoré votre article.
J’ai des pigments que j’utilise pour la peinture sur porcelaine.
Est-ce que je peux les utiliser pour faire des aquarelles ?